Perturbations ferroviaires

Nous arrivâmes à New-York avant le lever du jour. Dans la matinée je gagnai Grand Central Station, la gare qui desservait la ville d'Hartford, située dans le Connecticut, à 200 Km de New-York.

Je pris mon billet et m'installai dans le train portant l'indication Hartford. D'autres voyageurs montèrent dans le wagon. Le temps s'écoulait et bientôt je m'aperçu que l'heure de départ était dépassée. Quelques instants plus tard un employé de la compagnie apparut et nous fit une déclaration. Je comprenais très mal l'anglais courant mais je compris qu'il fallait changer de train.. Un monsieur me fit signe de le suivre. Nous nous installâmes dans un autre convoi. Le temps passa et le même scénario se reproduisit. Le monsieur me fit signe à nouveau et nous prîmes place dans un troisième convoi. Celui-ci s'ébranla aussitôt.

Le train s'arrêta à diverses reprises puis stoppa définitivement dans une petite gare de campagne. Un employé local vint nous dire de descendre. Je ne comprenais absolument rien à la situation.

Les voyageurs se rassemblèrent dans la gare. Périodiquement l'un d'entre eux allait à la cabine téléphonique et appelait, semblait-il, un ami, un parent ou un collègue de travail. Un moment après une voiture arrivait et emmenait l'heureux voyageur. Peu à peu la salle se vidait. Bientôt il ne resta plus qu'une dizaine de personnes. Un noir, allongé sur une banquette, jouait de l'harmonica….

Le temps passa, puis un autobus vint s'arrêter devant la gare. Il nous prit à son bord et nous emmena à la station suivante. Je compris alors qu'il y avait eu un accident entre les deux gares.

Je pensais être arrivé au bout de mes peines. Malheureusement non. Après un bout de chemin le nouveau train s'arrêta dans une ville relativement importante. Peut-être était-ce Hartford ? Non, ce n'était que New Haven, à 50 Km d'Hartford. Le préposé nous dit que le train n'allait pas plus loin. Il devait être quatre heures de l'après-midi, c'est à dire 22 h à Paris. Un jour complet s'était écoulé depuis mon départ d'Orly.

Je commençais à être très fatigué. Je traînai mes bagages hors de la gare et je me résolu à gagner Hartford en taxi . A la sortie de la gare je hélai un de ces véhicules. Celui-ci me prit à son bord et s'engagea sur l'au toroute. Cela était nouveau pour moi puisque la seule autoroute existant en France, à l'époque, était celle de l'ouest, qui datait de 1935.

Lorsque nous arrivâmes à quelques kilomètres d'Hartford le conducteur me demanda à quel hôtel je désirais aller. Je lui indiquai 1'hôtel Hilton. On m'avait conseillé cet hôtel dans lequel je pourrais trouver une chambre à 5 dollars (prix pour une chambre simple en 1959). Le conducteur, utilisant sa radio de bord, entra en contact avec la réception du Hilton. Celle-ci lui fit une sorte de radioguidage à travers la ville et bientôt 1'hôtel fut en vue.

En voyant deux hommes en livrée rouge m'attendre devant I'entrée je compris que la réception s'était méprise sur la qualité du voyageur qui arrivait en taxi de New Haven. Peut être avait-on pensé que j'étais un nabab oriental venant à Hartford négocier l'achat d'une importante série de moteurs Pratt et Whitney ? Aussi je lus un désappointement dans le regard du préposé à la réception lorsqu'il constata que je n'étais pas enturbanné et que, de surcroît, je lui demandais une chambre à cinq dollars ...