Snoqualmie Pass

Dans le courant de février je partis pour Seattle à bord d'un avion d'American Airlines. Le but de mon séjour chez Boeing était d'étudier l'équipement du moteur complet, prêt à être monté sur avion.

Il y avait là bas une équipe d'Air France particulièrement sympathique qui était chargée de suivre la construction des B707 qui nous étaient destinés.

Seattle est un port de mer situé au Nord-Ouest des USA, sur la côte Pacifique, à proximité de la frontière canadienne et au-dessous du port de Vancouver. La ville, de forme très irrégulière, est construite entre la mer et le lac Washington. Ce dernier mesure 30 km de long et 2 à 4 km de large.

Le lac est traversé par un pont flottant permettant d'accéder à la banlieue Est ainsi qu'à Renton où se trouve une partie des usines Boeing. Le pont donne aussi accès à l'autoroute qui, franchissant les Montagnes Rocheuses, relie Seattle à Spokane et à l'état d'Idaho.

La ville de Seattle comptait, en 1959, 500.000 habitants dont un bon nombre travaillait chez Boeing. La région est dominée par le Mont Rainier (4400m) un ancien volcan dont le sommet est couronné de neige. Seattle est le nom du chef de la population indienne qui, autrefois, vivait dans cette région.

A l'usine Boeing toutes les compagnies ayant commandé des B707 étaient représentées. Les bureaux de ces compagnies étaient disposés de part et d'autre d'un long couloir d'accès. Notre représentation était composée: d'un ingénieur principal, futur chef de la section B707, d'un agent technique principal, d'une secrétaire, appelée familièrement Alicia, elle même assistée d'une autre secrétaire appelée, non moins familièrement, Margret. Il y avait aussi plusieurs contrôleurs chargés de suivre la construction de nos avions sur la chaîne des B707.

Alicia et Margret avaient été recrutées sur place. La première était très connue à AF et chez Boeing. Elle avait déjà travaillé pour notre Cie chez Lockheed, lors de la construction des Constellation et autres Superconstellation.

Toutes ces personnes étaient très amicales et aimaient organiser des sorties. Un jour je fus invité à aller faire du ski. Or je n'avais jamais pratiqué ce sport. On m'obligea cependant à louer le matériel nécessaire et, un dimanche, nous partîmes pour une petite station située dans la "Chaîne des Cascades". Notre conducteur pris la route de Spokane et s'arrêta à 50 km de Seattle, au col dénommé "Snoqualmie Pass". Nous avons laissé la voiture sur un parking et, après avoir chaussé nos skis, nous avons pris la direction de la station. Nous devions, pour accéder à celle-ci, parcourir environ 2 km en terrain plat puis 1 km en terrain pentu et boisé. Sur la partie plate je n'eus aucune difficulté à suivre les autres. Il me suffisait de placer mes skis dans les rails formés par les dizaines de skieurs qui étaient passé là auparavant. Pour la montée ce fût plus difficile. J'avais beau essayer de mettre en application les conseils qui m'étaient donnés, à savoir: placer mes skis en oblique ; il arrivait forcement un moment où ces maudites planches redevenaient parallèles. Je chutais alors en avant, le nez dans la neige.

Enfin nous sommes arrivés à un chalet où chacun pu se restaurer. Après cela les autres commencèrent à skier. La station était équipée sommairement d'un remonte-pente constitué par une corde montée sur deux poulies dont l'une était entraînée par un moteur électrique. Il fallait, après avoir mis des gants, prendre la corde à deux mains et se laisser entraîner progressivement. Je préférai m'abstenir. Alicia s'en étonna. Je lui dis : "Si je prends la corde il y a des chances pour que je me casse la figure et que les gens se fichent de moi ". Elle me fit une réponse bien américaine : "Non ils ne se moqueront pas de vous. Ils se diront : C'est un monsieur qui apprend à skier donc c'est normal qu'il tombe". Malgré cette remarque encourageante je préférai ne pas essayer.

Nous avons quitté les lieux entre chien et loup. Dans les chemins sinueux de la partie boisée je tombais sans cesse et, détail amusant, il m'arrivait parfois, en position assise, d'aller droit devant moi devançant ainsi ceux qui suivaient les méandres du chemin.

Lorsque nous sommes arrivés sur la partie plate je me suis mis à nouveau dans les traces des autres skieurs et, chose curieuse, le terrain présentant une très légère pente je pus glisser, à faible vitesse, tout le long des deux kilomètres sans faire de chute et sans le moindre arrêt.

Tout en descendant je pensais à deux jeunes campeurs qui, quelques temps auparavant, avaient été dévorés par des ours. Comme j'étais le dernier de la file je me retournais de temps à autres, vaguement inquiet, afin de voir si, dans la pénombre, aucune de ces bêtes ne nous suivait ....

Enfin nous avons retrouvé notre voiture et nous sommes redescendus sur Seattle. Sur le chemin du retour nous avons dîné dans un restaurant puis nous sommes rentrés en ville.

A la fin février j'étais de retour à New York et je pris l'avion pour Paris.