Un vent de panique

Durant l'automne 1940, à Francazal, parut une note réclamant du personnel pour le Liban. Je me fis porter sur la liste des volontaires. Au mois d'octobre je fus, avec quelques copains, dirigé sur Marseille en vue d'un embarquement.

Cet embarquement eu lieu sur un cargo moutonnier. Inutile de dire que les conditions de confort et de salubrité à bord n'avaient rien à voir avec celles du feuilleton "La croisière s'amuse". De plus, dès le départ une chose m'intrigua : alors que le bateau aurait dû gagner la haute mer il suivait toujours la côte à notre droite. Nous vîmes ainsi défiler la côte française puis la côte espagnole. Au matin du troisième jour de voyage nous arrivâmes devant une ville blanche. Celle-ci était dominée par une colline, au sommet de laquelle était édifiée une église. Je demandais alors ou nous étions à un matelot du bord.

Celui-ci me répondit : " ici t'es à Oran mon gars ! La colline c'est Santa Cruz !".

Un moment après nous étions sur les quais d'Oran. Adieu le Liban. Un peu plus tard des camions vinrent nous chercher pour nous amener à la base de La Sénia, distante d'environ 10 km.

Je fus affecté au groupe de chasse 1/3 qui était équipé de Dewoitines 520 (1). Il y avait sur la base deux autres groupes, le 2/52 et le 1/11. Le premier était une unité de reconnaissance, équipée de Blochs 175 (2), tandis que le deuxième était un groupe de bombardement qui utilisait des Lioré et Olivier 45 (3).

Le GC 1/3 comprenait deux escadrilles et une "section spécialisée". C'est dans ce service que je fus affecté. La réparation des moteurs, leur dégroupage, les rodages de soupapes, etc , était notre travail quotidien. A cela venait s'ajouter le transport, puis la réparation, des avions accidentés ( atterrissages sur le ventre ) sur la piste ou sur des terrains voisins. En ce qui concerne les moteurs nous étions assistés par M. Pinago, qui représentait la maison Hispano-Suiza.

La base de La Sénia était relativement importante. Elle comportait une longue lignée de hangars au départ de laquelle se trouvait le Poste de Commandement.

La piste était une grande surface dégagée et sans aucune végétation. Elle était bordée, vers le sud, d'un important lac salé, la Sebkra, qui nous séparait de la base de Tafaraoui occupée par l'aéronavale.

En regardant au loin on voyait, à l'horizon, les contreforts bleutés des massifs montagneux.

Derrière les hangars se trouvaient les casernements. C'était de très beaux bâtiments neufs construits dans le style du pays (4). En bref je ne regrettais en rien le "magasin d'habillement " de Francazal.

Le matin du dimanche 3 janvier 41 fut marqué, en Oranie, par les signes avant-coureurs d'une forte perturbation atmosphérique. Le vent se leva et commença à souffler en rafales. Il devint urgent de mettre à l'abri, dans les hangars, les avions qui avaient été laissés sur la piste.

L'officier de jour fit sonner le clairon afin de rassembler les hommes de service ainsi que le piquet d'incendie.

  • suite

    1. Dewoitine 520 : Chasseur, année 1940, moteur Hispano-Suiza 12Y, 12 cyl. enV, refroidi par liquide, puissance: environ 900 ch. Vitesse max. 530 km/h à 6000 m. Plafond : 11.000 m. Armement : 1 canon de 20 mm, tirant à travers l'arbre d'hélice, et 4 mitrailleuses.
    2. Bloch 175 : Reconnaissance, 1940, 2 moteurs Gnome-Rhône 14 cyl. en étoile, refroidis par air, 1140 ch chacun. Vitesse max. : 530 km/h à 5200 m. Plafond : 11.000 m. Equipage : 2 personnes.
    3. Lioré et Olivier 45 (LéO 45) : Bombardement, 1935, 2 moteurs Gnome-Rhône 14 cyl., refroidis par air, 1140 ch chacun. Vitesse max. près de 500 km/h à 4800 m. Plafond : 9000 m. Armement : 1 canon de 20, 2 mitrailleuses, 2000 kg de bombes. Equipage : 4 personnes.
    4. Ces bâtiments abritent maintenant l'université d'Oran.